
Tout d’abord, j’ai besoin de faire un bref retour historique. Le Parti Québécois est né d’une coalition entre le Mouvement Souveraineté-Association, le Ralliement national et le Rassemblement pour l’indépendance nationale. Le Mouvement Souveraineté-Association réunissait les bâtisseurs de l’État québécois, tandis que le RN amenait un fond nationaliste conservateur. Le RIN était principalement axé sur la défense du français et la gauche décolonisatrice. Les piliers du PQ étaient donc la souveraineté, le nationalisme et la social-démocratie. Pour que le parti redevienne la force d’antan, il doit remettre de l’avant ces sujets.
Paul St-Pierre Plamondon (PSPP) a maintes fois évoqué cette coalition. Il veut ratisser large pour être rassembleur. Au niveau communicationnel, son slogan « OUI » est très éloquent. La souveraineté est l’élément central qui transcende sa pensée et son action politique. Rappelons-nous qu’au début, ce qui a fédéré les partis et les mouvements qui n’étaient pas au même diapason, c’était la souveraineté. Je crois que le même constat peut se faire aujourd’hui. La CAQ occupe le terrain nationaliste et de centre-droit, alors que QS occupe le champ gauche et un peu indépendantiste. Le PQ a intérêt à se recentrer sur son élément fort, la souveraineté, pour attirer les nationalistes déçus de la CAQ, les indépendantistes pessimistes et la gauche modérée de QS. En ce qui concerne les jeunes qui n’auraient pas vécu un épisode référendaire et qui n’ont pas vraiment entendu parler de souveraineté, je pense que c’est le moment de leur montrer que c’est un projet porteur et positif. Nous pouvons seulement augmenter l’adhésion à l’indépendance en en faisant la promotion et en convainquant les gens du bien fondé. PSPP propose de réactualiser les études sur la souveraineté. Je suis pour que nous le fassions. Cependant, je crois qu’il est un peu illusoire de croire que les chercheurs auront le temps de produire leurs études à temps pour l’assimiler à un argumentaire didactique avant la tenue d’un référendum.
Le nationalisme identitaire de PSPP vise le retour des aspirations politiques de la nation et du collectif. Que nous pensions à ses politiques linguistiques, au retour des symboles nationaux pour augmenter le sentiment de fierté, aux équipes Québec et à la défense du patrimoine. Le sentiment d’appartenance à une communauté politique, ça se cultive. C’est seulement lorsque nous nous sentons représentés que l’intérêt pour le politique (re)naît. Après presque 15 ans d’années libérales où la population a vu le patronat s’en mettre plein les poches et Québec se soumettre aux diktats d’Ottawa, ce n’est pas étonnant que le ressort soit cassé. Nous avons trop longtemps mis de côté l’aspect culturel de notre nation pour ne parler que d’économie. La gestion comptable sert d’anesthésie pour les projets collectifs. Par conséquent, en délaissant le secteur culturel, nous avons également laissé le géant américain nous imposer son hégémonie. PSPP a souvent dénoncé l’américanisation de la société québécoise. Nous pouvons penser à sa dénonciation de la racialisation des rapports sociaux et le manque de volonté politique de la part du fédéral et du Gouvernement du Québec de sévir contre les géants du web. Par contre, PSPP devra peut-être lui-même repenser à sa proposition sur les simili-quotas de représentation de la diversité dans l’appareil étatique. Cela mine le caractère républicain de la société québécoise. Imposer des objectifs ou imposer une effectivité de représentation des minorités est de la discrimination positive et c’est un concept typiquement américain pour créer un rattrapage historique.
Concernant la social-démocratie, PSPP fait souvent référence au colonialisme qui est typique des socialistes indépendantistes comme Pierre Vallières. Ce faisant, il met l’accent sur le mépris du gouvernement canadien face à la nation québécoise. Il fait également mention de l’État-succursale (idée provenant de Simon-Pierre Savard-Tremblay) pour parler de démondialisation et du fait que le Québec ait perdu des sièges sociaux. Je crois que ces deux approches permettent de bien cibler les problèmes structurels qui nous affectent politiquement et économiquement. Il remet en question, entre autres, la monarchie, la façon de gérer la diversité, la représentation politique du Québec à l’international, les investissements directs du fédéral, la péréquation, les dédoublements de ministères et agences, les crédits d’impôts fédéraux et les traités internationaux. Ayant siégé sur le Comité public de suivi des recommandations de la Commission Charbonneau en 2016, je pense que c’est un atout pour lui. Connaître les rouages de l’État permet d’avoir une meilleure perspective sur les changements à apporter pour améliorer son fonctionnement et changer le système économique en place.
Au final, ma décision repose principalement sur des raisons idéologiques. Tous les candidats viennent chercher une partie de mes idées, mais pour la cohérence de sa pensée politique, j’opte pour PSPP. Je n’ai pas pris en considération l’aspect stratégique, par exemple, les résultats des sondages Léger qui mettent Guy Nantel en pôle position dans l’électorat québécois. Être un bon communicateur, je crois que c’est important, mais à mon avis, c’est difficile de trancher qui est le meilleur des quatre candidats.
Petites remarques sur chacun des trois autres candidats :
Frédéric Bastien : Pour moi, le nationalisme est vraiment important, mais la promotion de l’indépendance est plus importante en ce moment pour fédérer les différents courants. C’est, en partie, pour cette raison que Frédéric Bastien ne sera ni mon premier ni mon deuxième choix. D’ailleurs, je trouve que sa position nationaliste l’empêche beaucoup trop de se prononcer sur les autres sujets ne voulant pas faire de clientélisme. Ce n’est pas parce que le nationalisme lié au républicanisme impose de parler d’une seule voix à l’ensemble des citoyens qu’il n’y a pas d’enjeux à s’occuper. Je trouve que c’est incohérent de vouloir gouverner une province pendant un mandat et ne pas se prononcer sur l’ensemble des sujets pour connaître sa vision.
Sylvain Gaudreault : Je n’ai jamais compris pourquoi il revient sans cesse avec le fait que le Québec deviendrait le premier pays vert à l’ONU, ça n’a juste aucun sens. Les pays scandinaves et même certains pays européens font mieux que nous. L’environnement n’est qu’un enjeu de la souveraineté parmi d’autres. Je crois que c’est une stratégie de marketing politique.
Guy Nantel : Je le trouve un peu arrogant et néophyte. Basée une campagne sur sa popularité ne me rejoint pas, mais je suis d’avis que ça peut être le cas pour d’autres. Son côté néophyte me laisse perplexe. Je sais que ça peut être vu comme un avantage parce qu’il sort du moule politicien. Mais ce que je n’aime pas, c’est qu’il pense qu’il ne devra presque pas gérer l’État pendant qu’il prépare la souveraineté et le référendum rendu au pouvoir. C’est une méconnaissance du fonctionnement de l’État. Oui, techniquement, les fonctionnaires peuvent continuer de faire fonctionner l’État sans orientations politiques, mais chaque ministre fera quand même face à des défis de taille. Nous n’avons qu’à penser à la santé et à l’éducation. Nous risquons de vivre encore les contrecoups de la COVID-19.